Login

Jean-Alain Charbonneau, de la colère à l’écriture

Jean-Alain Charbonneau, éleveur laitier, est aussi l’auteur de plusieurs livres. « Les agriculteurs ont trop la tête dans le guidon. Ils ne pensent pas à la culture, à prendre le temps de rêver, à prendre soin d’eux. On vit d’amour, de tendresse et de musique ! Certains courent tout le temps derrière le travail, or ils finiront comme les autres, au cimetière. »

Changement climatique, montée de l’extrême droite, discrimination, nombreux sont les sujets qui agacent Jean-Alain Charbonneau, éleveur laitier et administrateur à Terra Lacta. Alors il écrit.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

«J’essaie de montrer que le monde agricole n’est pas en retard par rapport au reste du monde », explique Jean-Alain Charbonneau, 63 ans. Vif, grand et mince, il s’assoit dans son salon, là où lui est venue l’idée de sa première pièce de théâtre, « Le Constat à l’amiable », portant sur les violences conjugales. « J’écris beaucoup sur les femmes. Ici, ce fut terrible. Il y a eu des drames. Et, moi, je me mets à leur place. » Aussi, lorsque la voiture d’une jeune femme « s’enquille entre l’épandeur et le tracteur » à la croisée d’un chemin, amenant à un constat amiable avec son mari, dans le salon de Jean-Alain, l’idée a germé. « Ils s’insultaient devant leurs deux petites filles. J’avais une pièce de théâtre sous les yeux. Difficile cependant d’écrire sur la violence avec de l’humour ! » observe-t-il. En plus d’être écrivain et trésorier de l’association écrituriales, Jean-Alain est aussi éleveur laitier. Installé à 24 ans à Saint-Christophe-du-Bois (Maine-et-Loire), il travaille aujourd’hui avec sa femme dans leur exploitation de 42 hectares, avec 50 vaches, en majorité prim’holsteins.

Jean-Alain Charbonneau élève une cinquantaine de vaches sur 42 ha. L’évolution du climat qu’il observe depuis plus de trente ans est le sujet de son dernier livre « Pompon, le percheron ». Selon lui, « les agriculteurs sont mauvais en communication. Manifester en cassant et en déversant du fumier, cela ne sert à rien. Il s’agit avant tout d’être malin pour faire passer des messages. » (© J.-.A Charbonneau)

Avant la pièce de théâtre, il y a eu surtout « Alexandra, dite Alex », l’histoire d’une jeune fille homosexuelle. « Ma fille venait de me parler d’une de ses amies qui lui avait confié être lesbienne. Et là, j’ai pensé à l’un de mes voisins en me disant pourvu qu’elle ne croise jamais sa route », continue-t-il. Une quinzaine de jours plus tard, il envoie quelques pages au nom de sa fille à un concours organisé par Canal+ et publié dans « Ouest France », qu’il remporte. Canal+ s’empare du sujet pour réaliser un court-métrage.« Des gens me critiquent mais je m’en fiche. En tout cas, depuis que j’écris, on me regarde différemment. Cela donne du sens. J’ai une meilleure écoute », note-t-il. Sa façon aussi de rendre le monde un peu meilleur.

« Un livre est comme une gestation »

Parmi ses livres, le dernier, sorti en janvier et portant sur le changement climatique, s’intitule « Pompon le percheron ». « Je l’ai écrit à la suite de la tornade qui a emporté un site d’Amazone, dans l’Illinois (États-Unis). Même les géants du web sont touchés par le phénomène », rapporte-t-il, avant de préciser : « Le cheval est l’animal qui représente le plus la société humaine. Il y a le cheval pauvre qui vaut le prix de la boucherie et celui qui vaut des millions d’euros. » « Les gens qui écrivent dans le monde agricole sont souvent des gens âgés qui parlent de souvenirs. Moi, j’essaie de me projeter dans l’avenir », souligne-t-il. Mais c’est avant tout l’agacement et la colère qui sont le moteur de son écriture.

La bâche du silo a cédé en plusieurs endroits et des vaches apeurées par la faune sauvage se sont échappées de leur parcelle, ingérant à leur tour un excès d’aliment. Cet accident est à l’origine de son livre « Prudence ». (© J.-.A Charbonneau)

Son livre « Prudence »est tiré d’un accident d’élevage, jamais indemnisé. À l’origine, le silo mal réalisé par un prestataire, entraînant la perte de la moitié d’un cheptel. Un autre livre à l’horizon ?« Ce sera quelque chose qui me choque. Mais, pour le moment, je ne sais pas. » Aujourd’hui, Jean-Alain cherche un repreneur pour sa ferme car aucun de ses trois enfants ne lui succédera. Les capitaux à reprendre sont lourds. « Et pourtant je suis parti de rien. Cela ne serait plus possible aujourd’hui », affirme-t-il sans détour, lui le « sang-mêlé de ville et de campagne ».

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement